M. Ould-Braham / Heymann / Paquette : le jeu de doubles des oiseaux se joue dans l’âme du Prince.

On ne vante plus ces danseurs : on ne sait plus que dire d’eux tant les superlatifs à leur égard semblent usés…

Les bras infiniment spirituels de Myriam Ould-Braham, la danseuse la plus spirituelle et la plus « française » (je parle du style !) de l’Opéra de Paris, celle qui porte le mieux le tutu : ce costume qui sépare si bien le haut du bas du corps… Quand ses jambes l’attache à la terre (malgré elle ?), ses bras et son buste disent qu’elle est d’un autre monde… Cette femme cygne est un peu plus oiseau que femme, un oiseau-âme ou esprit, un oiseau-rêve. Myriam Ould-Braham est complètement le rêve du Prince : une vapeur, un vol, un nuage de plumes. Bref, mes métaphores éculées ne sauraient lui rendre grâce.

 

Le Prince de Mathias Heymann est, malgré ses sauts et ses réceptions d’une souplesse toujours extraordinaire, un prince terrien, réel, incarné. Le seul des trois ? Si la tourmente et le trouble de ses états d’âme sont visibles, lisibles, si cette tourmente et ce trouble le constituent dans son être spirituel, ce prince n’en reste pas moins viril, suffisamment viril pour n’être pas tout à fait romantique (au sens littéraire du mot). C’est pourquoi, je crois plus à une mort finale, qu’à une folie finale. Un tel homme ne peut pas se contenter de s’égarer. C’est le seul personnage de chair, le seul humain, là où les deux autres sont oiseau-rêve ou oiseau-cauchemar (quelle différence, en somme ?). Il apparaît donc comme le lieu, le théâtre, dans lequel se joue la relation de double entre Odette et Rothbart.

 

Le Rothbart de Karl Paquette est le vrai double d’Odette, car il reste extérieur au prince. Là où François Alu est comme une émanation de l’esprit de Siegrfried, Karl Paquette apparaît comme l’antithèse d’Odette. C’est avec elle qu’il fait couple, double, et non avec Siegfried. Il est au contraire la Loi, le principe de réalité du Prince, et en ce sens lui reste extérieur, étranger, Il n’est pas maléfique, il est cruel comme l’est le réel ;  il n’est pas le mal, il est la nécessité du réel. En face de lui, Odette est l’illusion du rêve, les errances de l’esprit, le principe de l’illusion purement intérieure qui conduit à la déstruction.

 

Ce trio montre que le vrai jeu de doubles est celui des oiseaux Odette – Rothbart. Ces oiseaux sont eux-mêmes des états d’âme, des idées, des songes.

Le Prince ne devient alors que le support par lequel ce jeu de doubles devient possible : il est le lieu de leur affrontement, il est l’esprit dans lequel les oiseaux, les principes, s’affrontent.

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